La Taxe Carbone : enjeux et perspectives pour la transition énergétique
La taxe carbone, souvent perçue comme un outil clé pour la transition énergétique, suscite des débats intenses sur son impact économique, social et environnemental.
Qu’est-ce que la taxe carbone et comment fonctionne-t-elle ?
La taxe carbone, aussi appelée système européen d’échange de quotas d’émission (ETS) , est un mécanisme mis en place pour réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO₂). Cette taxe repose sur l’idée du « pollueur-payeur » : les entreprises doivent acheter des quotas d’émission correspondant à la quantité de CO₂ qu’elles émettent. Dans un second temps, les quotas sont échangés sur un marché sur lequel leur nombre diminue chaque année pour atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par l’Union européenne.
En 2027, au travers de l’ETS 2, ce fonctionnement sera étendu aux secteurs des bâtiments et des transports. Cela signifie que les fournisseurs de combustibles fossiles tels que le gaz et le mazout devront également acheter des quotas pour couvrir les émissions générées par ces secteurs. Le prix des quotas et son impact sur les consommateurs seront déterminants quant à la réduction progressive des émissions de CO₂.
Quel impact sur les factures de chauffage des ménages ?
L’impact de l’ETS 2 sur les factures des ménages va être on ne peut plus significatif. Avec l’augmentation du prix du CO₂, les fournisseurs de gaz et de mazout devront ajuster leurs prix, cela va entraîner une hausse des factures énergétiques. Selon une étude (ULiège), un prix moyen de 100€ par tonne de CO₂ pourrait augmenter la facture de chauffage au gaz d’environ 420€ par an pour un consommateur moyen en Belgique, soit environ 24 % de la facture énergétique annuelle. Cette hausse pourrait être modérée à court terme, mais à long terme, l’impact sur les foyers les plus vulnérables risque d’être bien plus lourd, d’autant plus que les mesures d’accompagnement, telles que le Fonds social Climat, n’ont pas encore prouvé leur efficacité. (Impacts de l’instauration d’une taxe carbone : l’importance de la taille du marché )
Une rentabilité mise à l’épreuve pour les entreprises
L’étude d’Axylia sur l’impact de la taxe carbone sur les grandes entreprises belges révèle que moins de la moitié des sociétés du Bel 20 seraient rentables si elles devaient supporter le coût de leurs émissions de CO₂ à 127€ la tonne. (Impacts de l’instauration d’une taxe carbone: l’importance de la taille du marché) S’il on prend par exemple AB InBev, avec un BAIIDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de près de 19 milliards d’euros, cette entreprise pourrait sans problème absorber une facture carbone de 3,3 milliards. Mais pour des entreprises comme Solvay, dont la facture carbone dépasserait 4,2 milliards, cela pourrait porter un coup fatal à leur rentabilité (Une taxe carbone laisserait moins de la moitié des sociétés du Bel 20 en bénéfice).
Cette situation pourrait se traduire par des coûts de production plus élevés et un risque de délocalisation, notamment dans des secteurs comme la sidérurgie ou le ciment, où les coûts de la décarbonation sont particulièrement élevés. Le secteur industriel, qui représente une part importante des émissions de CO₂ en Belgique, devra investir massivement pour rester compétitif tout en réduisant son empreinte carbone. L’industrie belge devrait ainsi investir au minimum 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2050 pour atteindre les objectifs de neutralité carbone (Décarbonation: l’industrie belge devra investir au moins 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2050).
Répercussions politiques et sociales : Un fossé à combler
La taxe carbone est un sujet qui divise profondément la classe politique belge. Les partis de gauche, comme le PS et Ecolo, soutiennent son introduction tout en insistant sur la nécessité de mesures sociales pour protéger les ménages vulnérables. Les partis de droite quant à eux, tels que le MR et l’Open VLD, plaident pour une mise en œuvre progressive et une prise en compte des impacts sociaux. Le PTB, de son côté, rejette catégoriquement cette taxe, la qualifiant de « climato-élitiste » et estimant qu’elle ne fait que renforcer les inégalités.
Le débat sur la taxe carbone en Belgique reflète les tensions entre objectifs climatiques et préoccupations sociales. Les syndicats, comme la FGTB (Fédération Générale du Travail de Belgique), ont exprimé des inquiétudes quant à l’impact de cette taxe sur les foyers les plus modestes. Selon Jean-François Tamellini, secrétaire général de la FGTB wallonne, « les plus défavorisés risquent d’être les seuls à subir les effets de la taxe carbone » s’ils n’ont pas d’alternatives crédibles pour réduire leur consommation d’énergie (Serret, 2024).
Le rôle crucial des mesures compensatoires et de la redistribution
Le véritable défi de la taxe carbone réside dans sa capacité à générer une transition juste. Pour atténuer les effets négatifs sur les ménages, les recettes générées par l’ETS 2 doivent être utilisées pour financer la transition énergétique et des mesures sociales. En Europe, des mécanismes comme le Fonds social Climat sont censés redistribuer les recettes pour aider les personnes dans des situations plus précaires, et ce en leur fournissant des aides à l’investissement pour des équipements plus écologiques ou pour financer des travaux d’isolation (Denoël, 2024). La réussite de cette redistribution dépend de la manière dont les gouvernements nationaux mettront au point ces mesures. Le manque de clarté sur la répartition des fonds et l’absence de mesures concrètes pour garantir un soutien aux ménages les plus vulnérables restent des points de friction majeurs. Il est ainsi indispensable de fournir une gestion rigoureuse et équitable, sans quoi la taxe carbone pourrait avoir des conséquences sociales dramatiques, en augmentant les inégalités et en freinant l’acceptation du public.
Conclusion : Une solution incontournable mais complexe
La taxe carbone est un levier incontournable pour atteindre les objectifs climatiques européens, mais elle doit être accompagnée de mesures de redistribution claires et efficaces pour garantir une transition juste. Si elle est mal conçue ou trop soudaine, elle pourrait aggraver les inégalités sociales et mettre à mal la compétitivité des entreprises. Cependant, si les recettes sont correctement réinvesties dans la transition énergétique et sociale, la taxe carbone pourrait jouer un rôle clé dans la décarbonation de l’économie tout en protégeant les citoyens les plus vulnérables.
La manière dont la Belgique, et plus largement l’Europe, géreront cette transformation déterminera si la taxe carbone deviendra un outil de progrès ou un facteur de division, augmentant les inégalités. Il est donc impératif de trouver un équilibre entre l’urgence climatique et la protection des plus fragiles, pour garantir une transition énergétique juste.
La Taxe Carbone : Enjeux et Perspectives pour la Transition Énergétique
La taxe carbone, souvent perçue comme un outil clé pour la transition énergétique, suscite des débats intenses sur son impact économique, social et environnemental.
Qu’est-ce que la taxe carbone et comment fonctionne-t-elle ?
La taxe carbone, aussi appelée système européen d’échange de quotas d’émission (ETS), est un mécanisme mis en place pour réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO₂). Cette taxe repose sur l’idée du « pollueur-payeur » : les entreprises doivent acheter des quotas d’émission correspondant à la quantité de CO₂ qu’elles émettent. Dans un second temps, les quotas sont échangés sur un marché sur lequel leur nombre diminue chaque année pour atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par l’Union européenne.
En 2027, au travers de l’ETS 2, ce fonctionnement sera étendu aux secteurs des bâtiments et des transports. Cela signifie que les fournisseurs de combustibles fossiles tels que le gaz et le mazout devront également acheter des quotas pour couvrir les émissions générées par ces secteurs. Le prix des quotas et son impact sur les consommateurs seront déterminants quant à la réduction progressive des émissions de CO₂.
Quel impact sur les factures de chauffage des ménages ?
L’impact de l’ETS 2 sur les factures des ménages va être on ne peut plus significatif. Avec l’augmentation du prix du CO₂, les fournisseurs de gaz et de mazout devront ajuster leurs prix, cela va entraîner une hausse des factures énergétiques. Selon une étude (uliège), un prix moyen de 100€ par tonne de CO₂ pourrait augmenter la facture de chauffage au gaz d’environ 420€ par an pour un consommateur moyen en Belgique, soit environ 24 % de la facture énergétique annuelle. Cette hausse pourrait être modérée à court terme, mais à long terme, l’impact sur les foyers les plus vulnérables risque d’être bien plus lourd, d’autant plus que les mesures d’accompagnement, telles que le Fonds social Climat, n’ont pas encore prouvé leur efficacité. (Ernst, 2022)
Une rentabilité mise à l’épreuve pour les entreprises
L’étude d’Axylia sur l’impact de la taxe carbone sur les grandes entreprises belges révèle que moins de la moitié des sociétés du Bel 20 seraient rentables si elles devaient supporter le coût de leurs émissions de CO₂ à 127€ la tonne. (Ernst, 2022) S’il on prend par exemple AB InBev, avec un BAIIDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de près de 19 milliards d’euros, cette entreprise pourrait sans problème absorber une facture carbone de 3,3 milliards. Mais pour des entreprises comme Solvay, dont la facture carbone dépasserait 4,2 milliards, cela pourrait porter un coup fatal à leur rentabilité. (Paquay, 2024).
Cette situation pourrait se traduire par des coûts de production plus élevés et un risque de délocalisation, notamment dans des secteurs comme la sidérurgie ou le ciment, où les coûts de la décarbonation sont particulièrement élevés. Le secteur industriel, qui représente une part importante des émissions de CO₂ en Belgique, devra investir massivement pour rester compétitif tout en réduisant son empreinte carbone. L’industrie belge devrait ainsi investir au minimum 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2050 pour atteindre les objectifs de neutralité carbone (Van De Weyer & Delrue, 2024).
Répercussions politiques et sociales : Un fossé à combler
La taxe carbone est un sujet qui divise profondément la classe politique belge. Les partis de gauche, comme le PS et Ecolo, soutiennent son introduction tout en insistant sur la nécessité de mesures sociales pour protéger les ménages vulnérables. Les partis de droite quant à eux, tels que le MR et l’Open VLD, plaident pour une mise en œuvre progressive et u
ne prise en compte des impacts sociaux. Le PTB, de son côté, rejette catégoriquement cette taxe, la qua
lifiant de « climato-élitiste » et estimant qu’elle ne fait que renforcer les inégalités.
Le débat sur la taxe carbone en Belgique reflète les tensions entre objectifs climatiques et préoccupations sociales. Les syndicats, comme la FGTB (Fédération Générale du Travail de Belgique), ont exprimé des inquiétudes quant à l’impact de cette taxe sur les foyers les plus modestes. (Serret, 2024).
Le rôle crucial des mesures compensatoires et de la redistribution
Le véritable défi de la taxe carbone réside dans sa capacité à générer une transition juste. Pour atténuer les effets négatifs sur les ménages, les recettes générées par l’ETS 2 doivent être utilisées pour financer la transition énergétique et des mesures sociales. En Europe, des mécanismes comme le Fonds social Climat sont censés redistribuer les recettes pour aider les personnes dans des situations plus précaires, et ce en leur fournissant des aides à l’investissement pour des équipements plus écologiques ou pour financer des travaux d’isolation (Denoël, 2024
). La réussite de cette redistribution dépend de la manière dont les gouvernements nationaux mettront au point ces mesures. Le manque de clarté sur la répartition des fonds et l’absence de mesures concrètes pour garantir un soutien aux ménages les plus vulnérables restent des points de friction majeurs. Il est ainsi indispensable de fournir une gestion rigoureuse et équitable, sans quoi la taxe carbone pourrait avoir des conséquences sociales dramatiques, en augmentant les inégalités et en freinant l’acceptation du public.
Conclusion : Une solution incontournable mais complexe
Karno, acteur dans la transition énergétique à travers la construction de réseaux de chaleur décarbonés, admet que la taxe carbone est un levier essentiel pour atteindre les objectifs climatiques européens et accélérer la transition vers une économie bas carbone. Cependant, il est crucial qu’elle soit mise en œuvre de manière équitablement et socialement responsable.
Si elle est mal conçue ou trop soudaine, elle pourrait aggraver les inégalités sociales et mettre à mal la compétitivité des entreprises. Cependant, si les recettes sont correctement réinvesties dans la transition énergétique et sociale, la taxe carbone pourrait jouer un rôle clé dans la décarbonation de l’économie tout en protégeant les citoyens les plus vulnérables.
La manière dont la Belgique, et plus largement l’Europe, géreront cette transformation déterminera si la taxe carbone deviendra un outil de progrès ou un facteur de division, augmentant les inégalités. Il est donc impératif de trouver un équilibre entre l’urgence climatique et la protection des plus fragiles, pour garantir une transition énergétique juste.
Sources:
- Denoël, T. (2024, 6 juin). La taxe carbone, sujet électoral tabou. Le Vif.
- Ernst, L. (2022). Impacts de l’instauration d’une taxe carbone : l’importance de la taille du marché [Master’s thesis, HEC-Ecole de gestion de l’Université de Liège]. MatheO.
- Ernst, L. (2021-2022). Impacts de l’instauration d’une taxe carbone : l’importance de la taille du marché. Master en sciences de gestion (Horaire décalé), HEC-Ecole de gestion de l’Université de Liège, Liège.
- Paquay, M. (2024, 23 mars). Une taxe carbone laisserait moins de la moitié des sociétés du Bel 20 en bénéfice. L’Echo.
- Serret, P. (2024, 26 mars). CLIMAT – Les moins riches seront-ils les seuls à supporter l’effet « taxe carbone » ? L’Avenir.
- Van De Weyer, M., & Delrue, M. (2024, 15 juin). Décarbonation: l’industrie belge devra investir au moins 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2050. L’Echo.